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Marie Bartète la dernière bagnarde

Marie Bartète, une enfance de misère et de violences

Pour le mois de l’Assomption, j’ai choisi de mettre à l’honneur une Marie. C’est ainsi que pour des recherches personnelles j’ai eu l’occasion de faire des investigations sur les bagnes. C’est là que mon attention s’est portée sur un destin incroyable. Ainsi j’ai découvert la vie de la dernière bagnarde, Marie Bartète, je vais partager ici son histoire.

Marie Bartète (ou Bartet, Barthète, Bartête selon les actes) nait le 25 février 1863 à Monein. A ce propos, Monein est un petit village situé dans les Pyrénées-Atlantiques au lieu-dit de Trouilh. Sa naissance est issue d’un deuxième mariage. Son père, Jean-Baptiste Bartet, était veuf et avait perdu plusieurs enfants issus de son premier mariage. Jean-Baptiste avait 50 ans et sa mère Jeanne Pedebiben 26 ans.

Acte de naissance de la bagnarde Marie Bartète
Source Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques

La famille s’agrandira ensuite avec la naissance d’un petit Jean-Pierre (deux ans après Marie) suivi d’une petite fille qui décèdera au bout de quelques mois.

Le début du malheur

Ses malheurs commencent au décès de son père quand elle a 13 ans et son frère 11 ans. Leur mère se met en concubinage avec Joannes Esmenotte (cultivateur et marchand de chaux) qui s’installe chez eux. Par la suite, cet homme entraine sa mère dans la misère. En effet après avoir dilapider les ressources du foyer il s’attaque à l’héritage des enfants. Jeanne élève Marie et son frère Jean-Pierre dans un climat de violences et d’escroqueries menées par son concubin, Esmenotte, et Jeanne, elle-même, qui suivait. En conséquence, la mère de Marie est arrêtée et emprisonnée au château-prison de Cadillac près de Bordeaux pour 3 ans, après avoir séquestré deux hommes pour leur extorquer de l’argent. Son compagnon a alors pris la fuite. Cependant, les gendarmes l’arrêteront à la frontière espagnole et il sera condamné à 6 ans de travaux forcés en Nouvelle-Calédonie.

Ville de naissance de la bagnarde Marie Bartète
Situation de Monein dans les Pyrénées-Atlantiques Source Google Maps
Ville de naissance de la bagnarde Marie Bartète
Monein aujourd’hui Source Page wikipedia de la ville de Monein

Un début de vie difficile

D’ailleurs, après ça, Marie et Jean-Pierre, âgés de 14 et 12 ans, disparaitront des radars. Marie réapparaitra à 19 ans à l’occasion de la naissance de sa fille prénommée Julie-Marguerite le 13 mars 1883. Sur l’acte de naissance de cette dernière, L’état civil indique que Marie est domestique dans le village voisin d’Aubertin. Un homme marié (peut-être le père) déclare sa fille à la mairie comme étant la fille naturelle de Marie Barthète.  

Quelques mois après la naissance de sa fille, Marie se retrouve à Pau où elle travaille comme nourrice pour une riche famille russe. Par la suite, quand elle quittera ce travail, elle logera avec une amie Catherine Carricabure. Elles monteront ensemble une escroquerie en allant dans une boutique acheter du linge sur le compte de ses anciens patrons (la famille russe) qu’elles revendront ensuite. Les autorités les arrêtent et les condamnent : Marie à 3 mois de prison et Catherine à 2 mois.

Qu’est-il arrivé à sa fille Julie-Marguerite ? abandonnée, mise en nourrice ? Personne ne le sait mais elle réapparaitra quelques années plus tard quand elle se mariera à Bordeaux et aura une fille Henriette (Julie-Marguerite décèdera à 27 ans sans que sa mère ait de ses nouvelles).

À la suite de cette condamnation, plusieurs arrestations pour vagabondage, escroqueries… suivront qui la ramèneront en prison pour plusieurs mois. En 1885 elle sort de prison et quitte les Pyrénées-Atlantiques pour la Gironde pour se rapprocher de sa mère Jeanne qui vient de sortir de prison. Elle recommence les escroqueries diverses.

Les prémices du bagne

A sa 6ème arrestation, son destin va basculer. En effet, après 5 arrestations, la loi condamne les femmes à la relégation car elles sont considérées comme irrécupérables. Le 4 juin 1888 la justice condamne Marie et elle l’envoie au bagne de Guyane.  Selon ses juges, « sa conduite et sa moralité sont détestables et elle ne présente aucune garantie de retour à de meilleurs sentiments. »

Enfermée avant sa relégation au Fort de Hâ à Bordeaux, Marie y rencontre un dénommé Benoît Doux, ancien marin qui porte très mal son nom. En effet, la justice a condamné plusieurs fois cet homme pour des faits de violence. Marie et Benoît se rapprochent à tel point que le 19 janvier 1889 ils se marient civilement à la mairie de Bordeaux puis quelques jours plus tard religieusement à la prison du Fort de Hâ.

Personne ne saura dire si c’était un mariage d’amour ou d’intérêt car quelques jours après le mariage Mr Doux écrit au préfet pour demander l’annulation de la relégation de Marie. Il disait pouvoir la changer et faire d’elle une épouse et une mère honorable et qu’il l’attendrait le temps de sa peine en prison. Ce courrier n’attendrit pas le préfet qui envoie Marie en relégation en Guyane comme prévu. Elle est d’abord envoyée à la prison de Rochefort dans l’attente du départ puis, le 16 mars 1889, les prisonnières sont sorties de la prison et emmenées à St Nazaire d’où elles embarquent pour la Guyane. Elles débarqueront là bas quinze jours plus tard, le 3 avril 1889.

Vers le bagne…

dessin du bateau qui a transporté la bagnarde Marie Bartète
Le Magellan un des bateaux qui transportaient les relégué(e)s Source dessin de Faustine Charpentier à partir du docu-fiction « autour d’une évasion » de J-B Brunius

bagne de Nouméa
Carte postale représentant l’extérieur du « bagne des femmes » Source Service patrimoine de la mairie de Saint-Laurent-du-Maronie

Après une nuit au large, les 28 reléguées arrivent à Saint-Laurent-du-Maroni. Elles porteront les numéros 106 à 133…  Marie Bartète sera la bagnarde numéro 107. Le but de ces relégations était de peupler les colonies ce qui fut un échec pour ce convoi car la moitié de ces femmes a plus de 40 ans et elles sont presque toutes déjà mariées à leur arrivée.

Vie des femmes au bagne de Guyane

Dossier pénitentiaire de la bagnarde Marie Bartète
Extrait du dossier pénitentiaire de Marie Bartète source ANOM

Saint-Laurent-du-Maroni est une commune pénitentiaire. A côté des bâtiments des femmes on peut voir un camp d’hommes avec un millier de prisonniers qui travaillent surtout sur des chantiers forestiers. Les femmes ne les côtoient pas car elles sont logées dans un couvent géré par les sœurs de l’ordre de Saint Joseph de Cluny.

Marie Bartète est une bagnarde comme les autres. De ce fait, son quotidien est rythmé par le travail, elle se tue à la tâche 8 heures par jour, 6 jours sur 7. Leurs tâches sont surtout ménagères : des travaux de couture, de blanchissage, de confection et de réparation de vêtements, tant pour les divers services de l’administration pénitentiaire, que pour le personnel libre et les particuliers. Elles peuvent aussi s’occuper des travaux de culture et de jardinage dans l’intérieur de leur bâtiment pour améliorer leur ordinaire. Les femmes plus âgées ou impotentes s’occupent des travaux de cuisine, de propreté des locaux, etc…

détenue et gardienne du bagne
Femme reléguée au travail sous la surveillance d’une sœur de l’ordre de St-Joseph-de-Cluny Source Archives territoriales de Guyane

Contrairement aux hommes qui peuvent sortir du camp pour travailler les femmes ne verront pas l’extérieur. En effet, même les médecins se déplacent pour soigner les malades sur place.

Leur nombre oscille entre 149 et 164. Marie passe 4 ans et demi parmi les sœurs, au « couvent ». Le 20 octobre 1893, après plus de quatre ans en Guyane, la justice transfère Marie à la relégation individuelle. Grâce à un bon comportement, elle est désormais libre de quitter le couvent et de s’installer « en ville ». 

La vie continue

La bagnarde Marie Bartète reprend sa « vie de femme libre » et selon les registres de l’état civil, elle met au monde, à 30 ans, un petit garçon. Quelques jours plus tard ,un libéré, Jules Dard, reconnait le petit Claude Bartet,  né le 1er décembre 1894. Cet homme condamné pour vols, vagabondage et escroquerie, était mal noté avant son arrivée en Guyane et était qualifié dans son dossier de malfaiteur dangereux et incorrigible. Son dossier le considère ainsi « grossier et ordurier, ce détenu était complètement démoralisé. Il serait toujours disposé à se révolter contre les règles disciplinaires ».

On ignore si Marie, Claude et Jules ont vécu sous le même toit. Si c’est le cas, la vie de famille aura été de courte durée car deux mois après avoir reconnu son fils, Jules est décédé à l’hôpital. Au début de l’année 1895, une fièvre bilieuse inflammatoire, emporte de nombreuses personnes. Le petit Claude meurt le 5 mars 1895 : il n’avait que trois mois.

Marie et Miloud

Peu de temps après, Marie Bartète rencontre Miloud, c’est la rencontre de la bagnarde et du bagnard. Miloud est un concessionnaire agricole installé à Saint-Maurice, un village situé non loin de Saint-Laurent (où la plupart des cultivateurs sont des Maghrébins). Il vit du maraîchage et de la canne à sucre. El-Hanni Ben Miloud est un Algérien originaire de Constantine qui a 14 ans de plus que Marie. Illettré, il était marié et père de 3 enfants avant d’arriver en Guyane. La justice a condamné cet homme en 1882 aux travaux forcés à perpétuité pour tentative d’homicide : « venu voler des moutons avec trois comparses, il a frappé sa victime de coups de couteau ».

Durant l’exécution de sa peine, il subit des punitions disciplinaires, sous la forme de nuits de prison ou de pain sec, pour mauvaise volonté au travail et insubordination. Lorsqu’il s’installe avec Marie, Miloud est concessionnaire depuis peu de temps du lot n° 299.

Par la suite, Marie accouche à nouveau d’un garçon, Victor Bartet. Victor est un enfant naturel ce qui signifie que Miloud ne l’a pas reconnu. Malgré ces circonstances, le curé d’Albina le baptise. Deux témoins entourent les parents. Ce sont également des bagnards libérés, Henriette Richard et Jean-Pierre Léopold Lefort condamné pour vols. Victor vit peu de temps : il décède à trois mois et demi (26 mai 1896 – 16 septembre 1896).

Le dernier enfant de Marie est une petite fille. Elle accouche à 34 ans à l’hôpital d’une petite Marie Eugénie Bartet, encore une enfant naturelle. Cela peut s’expliquer par le fait qu’officiellement, Marie est toujours mariée avec Benoît Doux qu’elle a épousé à Bordeaux avant son départ pour le bagne.

Acte de naissance de la fille de la bagnarde Marie Bartète
Acte de Naissance de Marie Eugénie Bartète dernière fille de Marie Source Service patrimoine de la mairie de Saint-Laurent-de-Maroni

Des nouvelles de France

En 1901, elle écrit à l’administration pour savoir ce qu’est devenu son époux. Depuis le départ de Marie pour la Guyane, Benoît a continué de faire parler de lui. Les journaux ont publié plusieurs articles sur lui tels que : « Encore le fou de ‘la France’ » (1891) ; « Un fou » (1891) ; « Un forcené rue de Grasse » (1893) ; « Un fou dangereux » (1893). Cependant, Marie ne connaitra pas tous ces détails. L’administration lui dira seulement « il a été interné pour la deuxième fois à l’asile public d’aliénés de Cadillac en Gironde ».
Le 23 septembre 1903, Marie n’a plus d’enfant. Sa petite Marie Eugénie vient de mourir à 5 ans. Miloud évoque dans un courrier de janvier 1904 « [sa] petite fille morte il y a 3 mois».

Retour au bagne

Miloud a envoyé ce courrier à l’attention du commandant du pénitencier pour accuser Marie de vol. Il explique que le couple qui vit en concubinage avait caché dans sa maison la somme de 345 francs qu’ils avaient réussi à économiser mais que cette somme a disparu. Il dit qu’il a demandé à Marie où elle avait caché l’argent et qu’elle lui a répondu qu’elle l’avait donné aux sœurs. Après vérification les sœurs n’ont rien reçu de la part de Marie.

Marie nie cette accusation et dit n’avoir jamais entendu parler de cet argent, cependant le directeur de l’administration pénitentiaire ne veut rien entendre pour sa défense. Il dit de Marie « Cette femme n’est digne d’aucune indulgence et son inconduite notoire ne lui permet de conserver plus longtemps le bénéfice de la relégation individuelle». De plus Miloud l’accuse également de l’avoir trompé et de s’être prostituée.
Malgré la perte de son dernier enfant, l’administration pénitentiaire réintègre Marie au dépôt des femmes. Marie redevient donc la bagnarde Marie Bartète.

retrait de la relégation de la bagnarde Marie Bartète
Retrait de la relégation individuelle de Marie Source Dossier individuel de Marie Bartête ANOM

Marie et Lakdar

Elle est ensuite « engagée », c’est-à-dire mise au service d’un employeur (un « cessionnaire », qui emploie des forçats) à partir de mars 1905 : « sa conduite et son travail sont signalés comme très satisfaisants. » Elle travaille pour le commandant du pénitencier, puis pour l’ingénieur des travaux.

En août 1905, elle demande à obtenir l’acte de décès de Benoît Doux pour « contracter mariage ».
Marie a en effet rencontré Lakdar Ben Youcef, un concessionnaire également établi à Saint-Maurice. Lakdar est plus âgé que Marie d’une dizaine d’année et comme Miloud, vient des alentours de Constantine. Il est également marié dans son pays. Il a été accusé d’assassinat et condamné à mort avant que sa peine ne soit commuée en travaux forcés à perpétuités, à Saint-Maurice, on lui accorde alors une concession agricole.
En 1906, la bagnarde Marie Bartète demande sa libération et elle écrit au directeur de l’administration pénitentiaire pour bénéficier à nouveau de la relégation individuelle. Les commentaires à son sujet se sont améliorés : l’irrécupérable prostituée voit sa conduite et son travail qualifiés de très satisfaisants et le vol de 1904 requalifié en moment de faiblesse. Même la sœur supérieure Sainte Junille écrit qu’elle a désormais une conduite très bonne, et qu’elle est capable de gagner sa vie par son travail.

Madame Marie Ben Youcef

En septembre 1906, à 44 ans Marie retourne à la vie libre et ne va plus revoir l’intérieur du couvent.

Maintenant de nouveau libre, Marie doit régler les formalités de son mariage avec Lakdar qui officiellement est toujours marié. Ce dernier écrit au préfet de la province de Constantine pour obtenir des renseignements sur sa femme Baïa Bent Tayeb dont il n’a plus de nouvelles depuis 23 ans. On lui répond alors qu’elle est décédée depuis plusieurs années, sans plus de détail. Le veuf est donc libre de se remarier. Le 28 août 1909, un samedi, comme cela était la tradition pour les mariages dans la commune pénitentiaire du Maroni, Lakdar Ben Youcef et Marie Bartète s’unissent. Le couple de forçats avait obtenu l’obligatoire autorisation du gouverneur de la colonie.
Marie est alors âgée de 46 ans et Lakdar de 55 ans. L’acte de mariage les considère comme veufs. Ils auront pour témoins des surveillants militaires et des employés de mairie. Lakdar ne sait pas signer et Marie le fait difficilement : on distingue ce qui ressemble à « Baru ». Une signature moins précise que lors de son mariage avec Doux. Des années de bagnes ont diminué le niveau de sa pauvre instruction.

exemple de terrain donné aux anciens relégués
Terrain semblable à celui des époux Ben Youcef Source carte postale services patrimoine de Guyane

En 1921, les époux Ben Youcef quittent leur concession de Saint-Maurice pour le village de Saint-Laurent. L’administration accorde un terrain nu à l’extrémité du village à Lakdar avec un bail de 3 ans renouvelable. Les époux vont y construire une cabane typique du style du village des libérés : une maison à un niveau aux murs en lattes de bois et aux fondations surélevant légèrement la porte d’entrée. Une cour à l’arrière permet l’installation d’un puits et d’un jardinet. Ce lot correspondait au 44 rue Voltaire, qui forme aujourd’hui l’angle des rues Catayée et Tourtet à Saint-Laurent-du-Maroni.

La veuve Bartète

courrier de la bagnarde Marie Bartète
Courrier de Marie de renonciation à sa patente Source Service patrimoine de la mairie de Saint-Laurent-du Maroni

Le 6 octobre 1924, Lakdar décède à l’hôpital à l’âge de 80 ans. Marie, de nouveau veuve, subvient à ses besoins en cultivant des légumes dans son arrière-cour et en vendant du café. Elle est marchande de café jusqu’en 1930, date à laquelle elle renonce à sa patente.

article de presse
Extrait d’un article sur Marie Bartète qui commence à forger sa légende Source Paris-Soir 1933

Marie deviendra désormais une gloire locale, puis internationale car de nombreux journalistes vont venir faire son portrait dont Albert Londres. On fait des articles sur elle en France mais aussi en Australie, au Canada, en Angleterre, en Norvège… C’est ainsi qu’on lui forge son titre de «Marie Bartète, la dernière bagnarde ».

Marie face à la maladie

En 1937, la santé de Marie se dégrade. En effet, le 25 janvier, le maire de la commune pénitentiaire reçoit une demande de secours de sa part : « Âgée de 75 ans, presque aveugle et ne pouvant plus travailler ni même à peu près me conduire, j’habite dans la même maison depuis 16 ans. J’ai toujours payé régulièrement mon loyer sauf deux trimestres qu’il m’a été impossible de payer. Bref, rien à manger, une misérable vie que mon âge a peine à supporter. Voyez, monsieur le maire, si mon cas mérite quelque pitié».

Les guyanais au chevet de Marie

Selon la procédure habituelle, c’est la police qui va se charger d’interroger Marie afin d’établir sa situation de fortune. Elle leur déclare alors « À la suite de la suppression de la relégation pour les femmes dans la colonie, en 1914, l’administration voulait me rapatrier, mais comme j’étais déjà trop vieille pour rentrer en France, j’ai refusé».
Marie dit qu’elle ne jardine plus à cause de ses problèmes de vue et qu’elle bénéficie que d’une boule de pain de la commune depuis 3 ans. A ce sujet, elle déclare que ses voisins l’aident également. Elle maintient qu’il lui est matériellement impossible de pouvoir payer son bail, étant actuellement dans la misère la plus atroce, vu son grand âge et son état de santé, elle ne peut plus ni cultiver ni faire de l’élevage ce qui lui permettait de pourvoir à mes besoins et à régler la location de mon terrain… Les autorités la déclarent indigente.
L’administration entend sa supplique et le mois suivant, le gouverneur envoie depuis Cayenne un don d’espèces à des libérés. Il n’y a pas d’explication sur le fait de savoir comment les bénéficiaires ont été sélectionnés, mais Marie touche 15 francs, plus que les autres prisonniers dans son cas. Par la suite, une commission municipale propose de la laisser occuper gratuitement son logement malgré les défauts de paiement. En plus de la boule de pain de 375 grammes délivrée quotidiennement par la commune, le comité de patronage des libérés assure les frais de repas pris par Marie au foyer de l’Armée du Salut qui se situait à quelques mètres de chez elle.

La vie de Marie s’achève donc dans la misère.

Fin de la vie de la bagnarde Marie Bartète

déclaration de décès de la bagnarde Marie Bartète
Déclaration de décès de Marie Bartète Source Service patrimoine de la mairie de saint-Laurent-du-Maroni

Entrée à l’hôpital le 28 février 1938, elle y meurt le 13 mars à 75 ans après 49 ans de présence en Guyane. La déclaration de décès de l’hôpital indique « cachexie sénile », c’est-à-dire la dénutrition, cause de bon nombre de décès de libérés. Ses obsèques eurent lieu le lendemain à 17 heures.

Dans le registre des inhumations de la commune, elle apparait sous le nom de « Marie Lakard (SIC), ex-reléguée ». Vous ne trouverez plus sa tombe aujourd’hui. Effectivement, la mairie de St Laurent du Maroni l’exhuma 9 ans plus tard, en 1947.

Marie Bartète… la dernière bagnarde passe à la postérité

article de presse sur la bagnarde Marie Bartète
Article D’Alexis Danan Source Paris-soir du 28 avril 1938

Pour signaler son décès, Alexis Danan, journaliste, qui s’était rendu en Guyane cinq ans plus tôt, titre son article :
« Marie Bartet. La dernière femme-forçat vient de mourir au bagne».
Un cliché inédit montre Marie photographiée l’an dernier, indique le journaliste. Il nous rappelle sa case « noire comme un coupe-gorge », et son occupation de maraîchère : « Elle rentrait dans sa case, les affaires finies, portant dans ses bras ce qui lui était resté pour compte de poules et de légumes. (…) »

article de presse étranger sur la bagnarde Marie Bartète
Victoria Daily Times 3 septembre 1938

Dans d’autres pays, on annonce sa disparition. L’annonce de son décès dans les journaux américains et canadiens aurait étonné la pauvre femme. Le monde entier reprend ces articles qui se ressemblent tous.

La vie de la dernière bagnarde Marie Bartète aurait pu inspirer Zola tellement elle a eu de misères et de rebondissements. Cependant,  cela ne suffisait pas à certains journalistes qui se sont crus obligés de romancer la fin de « la dernière bagnarde » : « L’autre jour, elle était en chemin vers le pénitencier qu’elle avait si bien connu avec un panier de légumes frais lorsqu’elle eut une crise cardiaque fatale ». Le San Francisco Examiner (30 juin 1938)

Plus de 50 ans après sa disparition Marie Bartète fait encore parler d’elle dans de nombreux ouvrages ou documentaires. Sa commune de naissance a même installé une stèle en son honneur grâce à l’écrivaine Katia-Christiane Ferré (qui se bat pour la faire corriger car elle contient des erreurs sur la biographie de Marie).

Hommage à la bagnarde Marie Bartète
Hommage à la bagnarde Marie Bartète
Deux romans sur Marie Bartète Source éditions Flammarion et éditions Feuillage
Hommage à la bagnarde Marie Bartète
Stèle de Monein village natal de Marie Bartète en son honneur Source journal Sud-Ouest

Cet article a 4 commentaires

  1. Noëline

    Marie a eu une vie bien remplie. Pas toujours très heureuse, mais j’espère qu’elle a connu quelques bonheurs.

    J’aime beaucoup la mise en page, article bien illustré 🙂 Peut-être réduire la taille de l’image du haut, qui prend beaucoup de place avant le début de l’article 😊

  2. Magali

    Merci Noëline. J’ai changé la photo, on ne peut pas bouger la taille de l’image mais on peut en mettre une avec un format paysage plutôt qu’une image carrée.

  3. David Descourtieux

    Sacrée vie… Quelques hauts et beaucoup de bas quand même pour cette Marie… Et de la peine pour ces enfants décédés si jeunes…. Bravo pour cette rétrospective de sa vie, pas facile de rassembler tant d’éléments, même si beaucoup de sources écrites doivent être disponibles! Attention au nom de la rue « Catalysée » qui est en fait la rue Justin Catayée, une petite coquille sûrement due au correcteur! Après le titre « arrivée et vie au bagne », pourquoi les photos sont elles décalées? problème de mise en page? Encore bravo!

    1. Magali Charpentier

      Merci David, oui c’est le correcteur automatique qui m’a joué des tours, il ne connaît pas trop la géographie guyanaise 🙂

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