Pour le 11 novembre, il me semble important de raviver le souvenir de tous ces combattants morts pour la France ou revenus dans un état pitoyable. Dans ce nouvel article, je vais donc m’intéresser aux destins croisés d’un père et d’un fils portant le même nom. En effet, ils ont chacun traversé respectivement la 1ère et la seconde guerre mondiale. Voici l’histoire des Léon Hervé.
Léon Hervé le père
Le premier Léon Hervé est mon arrière-grand-père. Bien évidement je ne l’ai pas connu puisqu’il est décédé en 1953. Léon se destinait comme son père a une vie tranquille de paysan. Né en 1881, il était marié depuis 1910 avec Rose Saulnier et ils avaient ensemble un fils prénommé Léon né en 1912.
Départ pour la guerre en 1914
Le 1er août 1914, comme celui de millions de français, son destin a basculé dans l’horreur de la guerre. Le 20 août, la Patrie l’appelle au 65ème régiment d’infanterie, c’est le début de l’enfer. Il combattra 4 ans.
Du 65ème régiment, il passera ensuite au 320ème en août 1916 puis enfin au 11ème escadron du train en septembre 1917. Après avoir été hospitalisé plusieurs mois pour des problèmes pulmonaires, il fut renvoyé au front. Léon combattra jusqu’au dernier moment.
En 1919, l’armée le libère de ses obligations militaires car il souffre d’un emphysème pulmonaire, séquelle des combats. Voici le compte-rendu des médecins militaires.
Retour à la vie civile en 1918
Il rentrera donc chez lui à la fin de la guerre. La vie reprendra malgré ses souffrances physiques. Léon aura 3 autres enfants : Maurice, Émile et Madeleine. C’est sur leur acte de naissance que j’ai découvert son état de santé. En effet, sur celui de ma grand-mère ci-dessous, on trouve la mention marginale « adoptée par la nation par jugement du tribunal civil de Saint Nazaire du 21 juillet 1923 » En effet, n’ayant plus les capacités physiques suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille, ses enfants obtinrent le statut de « pupilles de la nation ».
Léon vieillira ainsi auprès de sa femme Rose et de leurs enfants et petits-enfants. Il décèdera en 1953 après une vie de souffrance physique et morale. Malheureusement, l’ombre du malheur planait encore sur cette famille. Comme dans des millions de familles françaises, après le père, la patrie appela le fils à combattre.
Après la séparation de 4 années d’avec son mari, Rose connait la douleur incommensurable de laisser partir son fils. Combien de temps allait-on lui enlever son enfant ? Ses autres garçons allaient-ils suivre ? Autant de questions pour lesquelles elle devra attendre 6 longues années avant d’en avoir les réponses.
Léon Hervé le fils
Ainsi, voici l’histoire du fils appelé sous les drapeaux le 1er septembre 1939. L’armée l’affecte au dépôt d’infanterie 42 (115ème régiment d’infanterie).
Juin 1940 : Léon est fait prisonnier
De combats en combats, il se retrouve à Tonnerre dans l’Yonne. C’est dans cette commune que les allemands le font prisonnier le 17 juin 1940. Son cauchemar ne fait que commencer.
Un train l’emmène vers l’est avec ses compagnons d’infortune.La peur au ventre ils se demandent tous où ce voyage les mènera.
Ainsi, après plusieurs jours de voyage, ils arrivent en Autriche près de Krems, ce qui du fond de la campagne de Léon ne voulait pas dire grand-chose. Ces pauvres hommes se retrouvent donc seuls, dans un pays étranger à se demander ce qu’ils allaient subir. A leur arrivée, des gardiens les parquent immédiatement dans des baraquements. Cette promiscuité, difficile à supporter pour certains mais indispensable pour d’autres, a été un lien qui les a suivis toute leur vie.
Témoignage d’un survivant du stalag XVII
Le témoignage de Tony Le Renne, prisonnier belge interné au stalag 17 également, nous en apprend plus sur cette arrivée au camp et ses conditions de vie.
« Après la fouille, ce fût la désinfection. Dans un bâtiment en briques, un service d’hygiène était organisé. Des infirmiers polonais souriants et muets, dirigeaient les opérations. Le bâtiment était divisé en plusieurs chambres. La première était une salle de déshabillement. Avec une pudeur renfrognée, chacun se dévêtit, ne gardant à la main qu’un essuie-mains et du savon. Tout notre avoir fut enfermé dans des sacs. Nus comme des vers, nous passâmes chez le médecin qui examina nos anatomies avec une indiscrétion toute militaire. Auprès de lui, une balance enregistrait nos tonnages. C’étaient des cris d’horreur à chaque pesée. Pour moi, j’avais maigri de 10 kilos seulement. La 3e chambre, qui portait en lettres gothiques l’inscription ronflante de : Hardschneideraumzimmer, était le salon de coiffure. On nous rasa la tête, en dépit de nos protestations. La tonte terminée, nous passions à la douche, pour être enfin vaccinés. Désinfectés et dûment immatriculés, nous franchîmes une seconde enceinte de barbelés qui enclosait des baraques en sapin. L’initiation était terminée. La séance avait duré 5 h… Nous voici à présent dans le saint des saints. Nul n’y était admis sans avoir subi les rites liminaires de la fouille et de la désinfection. Il était trop tard pour nous donner à manger. Nous n’aurons pas notre ration de pain aujourd’hui. Ça commençait bien !!! je m’allongeai sur une paillasse, dans un pâté de lits à étages et je m’endormis aussitôt. »
« Durant 3 mois, il fut impossible de se procurer autre chose que l’ordinaire du camp : une tasse de soupe à la salade le midi, un quart de pain vers 3 heures, aussitôt englouti. A ce régime, vraiment inhumain, les prisonniers s’anémièrent rapidement. »
Tony Le Renne (prisonnier au stalag XVII extrait de son livre Stalag XVII)
Vous pouvez découvrir le témoignage de Tony Le Renne dans son livre « Stalag 17B » en suivant ce lien
https://www.bibliotheca-andana.be/?page_id=254599
Qu’est-ce qu’un stalag ?
Tout d’abord, pendant la seconde guerre mondiale, les stalags (abréviation de Kriegsgefangenen-Mannschafts-Stammlager) désignent un site destiné à détenir de simples soldats et leurs sous-officiers qu’on a fait prisonniers. Les officiers, quant à eux, étaient détenus dans les oflags (abréviation de Offizier-Lager) conformément à la convention de Genève de 1929. Dans ces stalags, aucun civil n’était présent. En effet, ces derniers étaient détenus dans des camps de concentration ou d’extermination.
Le Stalag XVII B est l’un des plus grands camps de prisonniers de guerre du IIIe Reich. Les neuf dixièmes des prisonniers immatriculés là, vivaient hors du camp de base, dans des détachements de travail (Arbeitskommando) répartis dans toute la XVIIe circonscription militaire.
C’est ainsi que ces prisonniers vivent encadrés par 12 compagnies de la Wehrmacht, et forment environ 1 000 détachements de travail comprenant entre 5 et 1 000 prisonniers. La Wehrmacht disperse ainsi la plus grande partie des prisonniers dans les commandos de travail. En dehors du camp proprement dit, on les emploie pour des travaux agricoles ou de boisement, mais également pour travailler dans l’exploitation minière, l’industrie et l’artisanat, ou le bâtiment. Pour le cas de Léon, paysan avant la guerre, les allemands le déployèrent dans une ferme.
Vie au stalag
Cependant, le moral des prisonniers de guerre fluctue tout au long du conflit. En effet, à mesure des étapes de la guerre, il varie surtout en fonction du peu de nouvelles qui leur parviennent. Ainsi, au plus bas la première année, du fait de conditions matérielles très médiocres, le moral s’améliore au cours de l’année 1941. Un sentiment d’abandon, d’une guerre sans fin, est la cause d’une nouvelle chute d’énergie à partir de mars 1942. Ensuite, le début de l’année 1943 est marqué par une reprise de vitalité avec l’annonce du débarquement allié en Afrique du Nord et la défaite allemande devant Stalingrad. Au printemps 1944, les prisonniers montrent des signes d’inquiétude face à la montée de la guerre totale. Enfin, l’année 1945 fut difficile du fait de la nervosité des troupes allemandes. L’approvisionnement devient aléatoire, et les bombardements alliés les menacent. Des bombes tombent sur les voies ferrées, les gares ou encore les villes de la région (Krems est bombardée le 31 mars 1945).
Le courrier, censuré, assure le lien avec la famille restée en France. Ainsi, les photographies jointes aux envois permettent de voir grandir les enfants. Pour ceux-ci, le père absent se résume d’ailleurs souvent à cette image du prisonnier un peu triste, souvent en groupe avec d’autres prisonniers. L’image sonne faux mais elle est la preuve qu’un fils ou qu’un mari est toujours en vie.
Photos depuis le stalag XVII B envoyées par Léon à sa famille – photos personnelles
Les prisonniers affectés, comme Léon, dans les détachements de travail (environ 15 000 Français répartis dans 800 Kommandos) font l’objet d’un contrat de travail entre le Stalag et les employeurs. 60 % d’entre eux travaillent dans l’agriculture tout comme lui.
Avril 1945 arrivée des libérateurs
Devant l’arrivée des armées russes et américaines, l’ordre d’évacuation du Stalag XVII B est donné le 9 avril 1945.
Tous les prisonniers de Krems-Gneixendorf sont alors évacués vers le centre de rétention de Braunau. Il se situe à quelques 300 kilomètres de Krems. C’est là que la 13e Division blindée américaine les libère le 2 mai 1945. Le 12 mai commencent alors les opérations de transfert des prisonniers de guerre en camions américains vers l’aéroport de Pocking et leur rapatriement, en gros porteurs, vers les aéroports de Châteaudun, Reims, Le Bourget…
Cependant, ce sont les troupes russes qui libèrent les 300 malades difficilement évacuables, qui pour leur part, étaient restés à Gneixendorf, le 9 mai.
Les baraquements du camp de Gneixendorf ont été rasés dès la fin des années 1940. Aujourd’hui, le site de l’ancien Stalag est devenu lieu de mémoire de l’Holocauste. On y a dévoilé Six panneaux en acier le 5 mai 2000. L’amicale du Stalag XVII B y a fait ériger une stèle du souvenir en juin 1984. Cette amicale fut un moyen important pour garder contact et organiser des temps de rencontre entre anciens « camarades de captivité ». Il en fût ainsi jusqu’à sa dissolution dans les années 1990.
La libération
En mai 1945, Léon est donc libéré et va pouvoir revenir en France. Il a 33 ans, célibataire, ni femme ni enfant ne l’attendent.
Avec tous ces enseignements, de tous les témoignages vus ou lus, je peux imaginer à quel point le retour à la vie civile a dû être déstabilisant. A cette époque on ne parlait pas de stress post-traumatique, les prisonniers qu’ils étaient soldats, juifs ou résistants, se sont retrouvés démunis, sans lieux de paroles pour exprimer leurs souffrances. Les familles restées en France avaient connu comme eux la faim et le froid, mais ne demandaient qu’à reconstruire leurs vies. Personne ne pouvait imaginer les horreurs vécues par ceux partis à l’Est. Même dans le malheur, nous ne sommes pas égaux. On écoutait les récits des résistants qui étaient revenus en héros et qui s’étaient battus pour leur patrie. Ensuite, les récits des soldats avec le ressentiment de la défaite en 40 et la culpabilité de ceux qui n’avaient pas su se battre pour défendre les frontières étaient moins bien reçus. Enfin arrivaient ceux qui avaient encore plus souffert depuis presque une décennie de brimades d’abord, puis de persécutions et de conditions de détention inimaginables : les juifs, les tsiganes, les homosexuels…. Qui pour la plupart mettront des années avant de pouvoir trouver les mots pour expliquer l’indicible et surtout, des oreilles bienveillantes pour les entendre.
Il n’y a que les personnes qui ont vécue l’indicible qui peuvent parvenir à nous expliquer l’inconcevable
Primo Levi
Un retour difficile
A Fay de Bretagne comme dans le reste de la France, on voulait oublier les affres de la guerre et se tourner vers l’avenir.
Son frère Émile et sa sœur Madeleine était mariés et allaient fonder une famille, Léon s’est donc installé dans la ferme familiale avec son frère cadet Maurice, célibataire comme lui. Ensemble, ils se sont occupés de la ferme de leurs parents jusqu’à leur retraite.
Malgré ce retour à une vie plus paisible, les démons de Léon le poursuivaient. Il a connu de multiples périodes de dépressions qui l’ont amené à se faire hospitaliser plusieurs fois. De ma mémoire d’enfant, j’ai le lointain souvenirs de visites à deux vieux garçons très gentils avec nous, leurs petits neveux et nièces, qui vivaient dans une vieille ferme. Nous accompagnions alors ma grand-mère voir ses frères, auxquels elle était très attachée.
Une fin de vie…
Mais un jour, le malheur le rattrapa, par un froid matin de décembre 1985, un peu avant Noël, où sans doute Léon ne pouvait plus supporter ce fardeau. Il a donc, sur un coup de folie, décidé de quitter cette vie durant laquelle il avait supporté tant d’épreuves. Il avait traîné une mélancolie tout au long de son existence et celle-ci avait pris le dessus sur la vie.
Ainsi s’achève l’histoire des Léon Hervé. Le premier avait connu l’enfer des tranchées tandis que l’autre celui des camps. Deux vies, comme celles de millions de français, rythmées mais surtout abimées par la grande Histoire.
Je n’aurais jamais connu Léon père mais j’ai le regret aujourd’hui d’être passée à côté de Léon fils. Ce-dernier, parti trop tôt, nous a quitté alors que je n’avais que 8 ans. Je me dis que si ces hommes meurtris par la peur, la faim, le froid, la mort de leurs camarades, des conditions de vie inimaginables, avaient trouvé une oreille amicale ou professionnelle pour les écouter, ils auraient pu mieux supporter leurs démons.
Bravo pour cet article mettant en lumière les conditions de vie des prisonniers de guerre de la Seconde Guerre mondiale. C’est vrai que le 11 Novembre on pense plus facilement à la Première. Mais votre article m’a donné envie d’entamer des recherches sur des membres de ma famille, également captifs des allemands. Le lien vers la bibliothèque Andana a l’air des plus intéressants. Régis
Article très émouvant qui rend un bel hommage à ces deux héros.
Les photos de l’hôpital et du Stalag sont de véritables trésors, malgré la terrible histoire qui se cache derrière 😔
Très bel article qui m’a beaucoup ému.
Merci Magali pour cet hommage à nos aieux. Mon grand père Pierre sera détenu prisonnier en pologne au stalag IIB de Danzig. il sera séparé de sa femme et de son fils de 2mois (mon papa) à la mobilisation; il le retrouvera à l’ age de 8 ans en 1946.
Oui Pascal, tellement de vies gâchées et quand on voit ce qui se passe maintenant ça n’a pas servi de leçon.
Très bel hommage à ces hommes dont la souffrance a bien souvent été ignorée. Article très bien documenté et très émouvant.
Bel hommage à ces deux hommes de votre famille. Quelle chance d’avoir autant de photos !
Beaucoup de combattants de la première guerre mondiale ont vu partir leurs fils pour la seconde. Ce devait être vraiment terrible car eux savaient ce qu’ils allaient vivre.
Merci pour ce récit familial, j’ai moi aussi des membres de la famille qui sont partis pendant les deux guerres; les tranchées, les camps de concentration, le travail en Allemagne. C’est toujours émouvant de suivre ces récits pour ma part grâce à des documents sonores, des cartes postales du front et grâce également aux livrets militaires répertoriés par les archives départementales.
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Mon grand-oncle Pablo Sagarra était au Stalag XVII aussi.
Merci pour votre article et des photos. C’est le premier fois que je voix des photos d’où il était prisonier.
Je vous remercie.
Merci Lidia, si vous le désirez j’ai d’autres photos n’hésitez pas à me contacter.
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